Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/212

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la crainte de perdre sa récompense, le retenaient immobile à la place qu’il occupait.

Voilà qu’un énorme frelon vint alors bourdonner autour de sa figure, en le menaçant continuellement de son dard redoutable. Ici Martin sentit son courage défaillir, et il se résolut, quoi qu’il pût arriver, à se soustraire à ce redoublement de tortures, en s’élançant sur le dos des fidèles. Mais, ô stupéfaction ! il fut impossible au faux saint Népomucène de bouger si peu que ce fût. Un miracle, opéré par le véritable saint, lui avait enlevé la faculté de se mouvoir. Il n’avait pas même la ressource de se dénoncer à l’assistance : sa langue, aussi bien que ses membres, lui refusait le service.

Pour suprême aggravation, un essaim de mouches se joignit au frelon, attirées sans doute par quelque peu de confitures que le savetier avait gardées à l’entour de ses lèvres, en sortant de table à la hâte.

Vous savez tous de quelle incommodité peut être une seule mouche, qui s’obstine à se poser sur votre figure, allant du front au nez, et puis aux yeux, et, quand on l’a chassée, revenant immédiatement. Vous vous ferez donc facilement une idée de l’atroce tourment que doit infliger un essaim tout entier : c’est pourquoi nous ne décrivons pas plus longuement les douleurs de maître Martin.

Deux heures se passèrent de la sorte, avant que tous les dévots fussent sortis de l’église ; lorsqu’elle fut complètement vide, le marguillier s’approcha de la niche et dit au savetier :

— C’est assez, mon brave compère ; vous avez joué votre rôle à merveille ; descendez pour reprendre vos vêtements et recevoir votre argent.