Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/216

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Les moulins, aux environs, se démenaient jour et nuit, et, tandis que leurs maîtres s’enrichissaient, le pauvre père de famille devenait de plus en plus misérable.

— Je ne comprends pas, disait-il sans cesse en soupirant, que mes parents aient eu l’idée de construire un moulin dans cet endroit. Pourquoi ne l’ont-ils pas placé plutôt sur le haut de la montagne ?

Mais le moulin restait toujours dans son coin, les bras immobiles ; et les enfants demandaient du pain.

Un soir que notre homme, triste et découragé, errait au hasard dans la campagne, il se trouva tout à coup, sans s’en douter, au sommet du Ramberg. Le vent faisait tourbillonner les feuilles jaunes dans l’air, les nuages fuyaient rapidement, laissant à peine le temps à la lune de se montrer dans leurs déchirures. C’était précisément un temps comme il en fallait pour faire tourner un moulin : aussi le meunier se disait-il comme d’habitude :

— Quel malheur ! Pourquoi le mien n’a-t-il pas été construit ici ?

— C’est vrai, répondit une voix derrière lui ; c’eût été une fameuse idée.

— Que voulez-vous dire ? demanda le meunier en se tournant vers un individu qu’il vit assis sur une pierre, à peu de distance de lui.

— Simplement, que si l’on avait été assez avisé pour placer ton moulin ici plutôt que dans la vallée, il aurait marché admirablement ; et tes enfants ne mourraient pas de faim.

Le meunier tressaillit.