Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/227

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les champs, les fossés et jusque dans les interstices des pavés. C’étaient de mauvaises herbes poussant au hasard sans que personne songeât à les cueillir, et les hommes les désignaient par le nom trivial de pissenlits.

— Infortunées ! disait la branche, ce n’est pas votre faute cependant si vous êtes si communes et si l’on vous a donné ce nom vulgaire. Enfin, il faut vous résigner à votre infériorité…

À ce moment, les rayons du soleil vinrent embrasser la jolie branche rose ; mais ils embrassèrent pareillement les pauvres fleurs jaunes des champs.

La branche de pommier n’avait jamais réfléchi sur la bonté infinie de Dieu envers tout ce qui vit et respire ; elle ignorait combien de choses belles et bonnes restent cachées et méconnues dans la création, sans être pour cela oubliées du Créateur. Les rayons du soleil étaient mieux instruits.

— Tu parles d’infériorité, dirent-ils. Quelle est donc la malheureuse plante qui excite à ce point ta commisération ?

— Le pissenlit. Jamais on n’en fait de bouquets ; il est foulé aux pieds par les passants, et ses graines, éparpillées au gré du vent, sont importunes et méprisées comme la poussière. Il a été bien mal partagé de la nature ; je m’applaudis de ne pas lui ressembler.

Une foule de joyeux enfants arriva dans les champs. L’un d’eux était si jeune que les autres le portaient. Ils le déposèrent sur le gazon au milieu des fleurs jaunes. Le petit enfant poussa des cris de joie, battit des mains, se roula dans l’herbe, et, dans son innocence, il embrassa les fleurs l’une après l’autre.