Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/233

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gris en montant sur son âne ; mais, avant de partir, il toucha de son bâton quelques barres de fer étendues à terre près de la forge. Une minute après, ces barres s’étaient changées en argent pur.

Jouissant de cette nouvelle richesse, le maréchal vécut longtemps joyeux et content, faisant bonne chère et buvant à longs traits le contenu de sa gourde qui ne désemplissait jamais. C’était pour lui comme un élixir de longue vie ; car, malgré son âge avancé, il ne semblait pas encore penser à mourir.

Cependant, la Mort, qui l’avait si longtemps oublié, vint un beau jour frapper à sa porte. Le maréchal paraissait disposé à la suivre ; mais, avant de faire ce dernier voyage, il pria la Mort de monter sur le poirier et de lui cueillir quelques poires pour qu’il pût se rafraîchir chemin faisant, lui-même étant trop vieux pour y monter. La Mort se prêta à son désir et grimpa sur l’arbre ; mais dès qu’elle y fut, le vieillard s’écria :

— Reste où tu es ! — car il n’avait nullement envie de mourir.

La Mort resta donc sur l’arbre dont elle mangea toutes les poires, et, lorsqu’il n’y en eut plus, torturée par la faim, elle se mit à se dévorer elle-même ; c’est ainsi qu’elle est devenue un si affreux squelette. Cependant personne ne mourait plus sur la terre, ni les hommes, ni les animaux, et il en résultait tant de misère que le maréchal proposa à la Mort de lui rendre la liberté si elle voulait le laisser tranquille. Elle y consentit, puis elle s’envola, furieuse, et se mit à ravager la terre d’une manière épouvantable.

Ne pouvant elle-même tirer vengeance de maître