Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/234

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Jean, la Mort s’adressa au diable qu’elle pria d’emporter le maréchal ferrant. Satan se mit en route et se dirigea vers la demeure du centenaire. Mais celui-ci, sentant l’odeur du soufre approcher, rentra promptement dans sa chambre avec ses quatre ouvriers, ferma soigneusement la porte et déploya l’orifice d’un gros sac devant le trou de la serrure. Messire Satan, ne pouvant passer ailleurs que par ce trou, fut ainsi pris dans le sac ; et, après l’y avoir bien serré et enfermé, le maréchal et ses compagnons le portèrent sur l’enclume, prirent les plus lourds marteaux de la forge et se mirent à taper dessus de toutes leurs forces. Le malheureux diable criait, hurlait, jurait et se débattait en promet tant de ne plus jamais revenir, mais ils ne le lâchèrent qu’après avoir rendu son corps aussi tendre qu’un rôti de porc sortant du four.

Maître Jean vécut ensuite quelques années tranquillement ; mais voyant tous ses amis et toutes ses connaissances mourir et lui seul rester, la vie commença enfin à lui être à charge. Il prit donc un jour le parti de quitter la terre, se rendit au ciel et frappa modestement à la porte du paradis. Saint Pierre, le gardien, regarda par le guichet pour voir qui c’était ; il reconnut immédiatement le centenaire, qui, saisi d’étonnement, reconnut de son côté la tête vénérable du petit bonhomme gris qui lui avait accordé les trois souhaits.

— Retire-toi, dit le saint, le ciel est fermé pour toi ; tu as oublié de souhaiter ce qu’il y a de mieux : le salut éternel ; et là-dessus le maréchal ferrant se retira.

Mécontent et confondu, le vieillard redescendit sur la terre ; mais le séjour lui en était devenu insuppor-