Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/296

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parler de l’intelligence avec laquelle le lièvre sait diriger sa fuite, en sautant à droite et à gauche pour dépister ses persécuteurs ; non, c’est sur sa beauté que je prétends appeler l’attention. J’ai constaté en lui cette qualité avec un plaisir extraordinaire ; j’ai admiré surtout ses oreilles longues et gracieuses, et, en pensant à la ressemblance que je devais avoir avec lui pendant ma jeunesse, j’ai décidé dans ma conscience qu’il était digne du premier prix.

— Voulez-vous me permettre une légère observation ? — Ainsi s’exprima une mouche, qui désirait prendre part aux débats. — Malgré ma petitesse, j’ose affirmer que je l’ai emporté sur plus d’un lièvre ; avant-hier, j’ai même cassé les deux pattes de derrière d’un lapereau ; j’étais assise sur un wagon de chemin de fer, l’animal ne me vit pas arriver avec le convoi et je l’estropiai en passant. Je pense que cette victoire en vaut bien une autre ; mais je ne demande pas de prix pour cela.

— Il me semble, dit une églantine, qui, par modestie, gardait trop souvent son avis pour elle, il me semble que les rayons du soleil auraient dû remporter à la fois le premier et le second prix. En un clin d’œil, ils arrivent jusqu’à nous, et leur puissance échauffe et anime toute la nature. C’est leur éclat qui fait rougir les roses, dont ils boivent et répandent dans l’air les suaves émanations. Et dire que personne, dans la commission, n’a songé même à réclamer pour eux ; vraiment, si j’étais le soleil, je donnerais à tous les juges une preuve de ma force en leur troublant un peu la cervelle. Mais vous me direz qu’ils ne l’ont déjà pas trop saine. Enfin, cou-