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anciens des livres d’Aristote, sur La rivalité d’Homère et d’Hésiode se rattachent à une grande enquête sur l’histoire littéraire chez les Grecs. Recherches minutieuses poursuivies dans la poussière des manuscrits et dans la broussaille des conjectures avec une patience et un bonheur de chasseur habile à choisir les bonnes pistes. Nietzsche eut d’emblée la combinaison hardie, méthodique et sûre ; et Ritschl désigna pour l’insertion dans le Rheinisches Museum — la plus importante, durant un âge d’homme, de toutes les revues de philologie gréco-latine — les travaux de l’étudiant, achevés déjà comme ceux d’un homme mûr.

Si Nietzsche avait renoncé autrefois à la théologie par scrupule de vérité, on peut dire cependant que son éducation pastorale, son apprentissage commencé de théologien servaient maintenant ses essais d’histoire littéraire. Sa recherche Zur Geschichte der Theognideischen Spruchsammlung est menée comme l’eût été, dans l’école de Tübingen, une recherche sur la composition du Nouveau Testament[1] . Un travail paléographique rigoureux, dont Nietzsche a appris le secret chez le théologien Tischendorf, sert à établir la généalogie des manuscrits. Les historiens les plus autorisés, Bergk et Welcker, se trouvaient en litige, parce qu’ils différaient de dix siècles quand il s’agit de fixer l’âge du recueil actuel des poèmes de Théognis, ce débutant se flattait d’être l’arbitre. Dans le recueil, tel qu’il nous est parvenu, Nietzsche discerne les principes qui en ont motivé la rédaction. Il montre comment les sentences se groupent par mots-souches. Il établit chez le rédacteur une tendance hostile à l’auteur qu’il édite. Comment ce Théognis, dont les vers attestent une morale si relâchée de buveur et de débauché, serait-il

  1. Voir les Philologica de Nietzsche, t. I, pp. 1-54.