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détourne du mysticisme. Or, certainement, elle s’en éloigne. Mais tout d’abord elle en sort, et elle y baigne ; et dans Pythagore, qui s’est considéré comme l’incarnation d’Apollon, comment le sentiment religieux aurait-il été absent[1] ? Nietzsche, en 1876, a été plus prudent :

Que savons-nous de la vie de Pythagore ?… Autant dire rien[2].

Mais dans cette philosophie des nombres encore qui, un peu avant Socrate, s’introduisait par Philolaos, comment ne pas reconnaître une philosophie mystique ?

Toute chose est nombre ; cela veut dire, pour les hommes, que tout est accord de sons, tout est musique. Les sons offrent aux pythagoriciens une preuve sensible du rôle des nombres dans le monde. Et s’il y a une philosophie sortie du génie même de la musique, c’est celle qui croit à l’harmonie des sphères[3].

Mais ce n’est pas cet enseignement que Nietzsche, en 1873, veut faire parvenir jusqu’à Richard Wagner, et le parti avec lequel il aborde le pythagorisme est de faire remarquer l’apaisement rationnel qu’il apporte à la ferveur mystique, comme il enseigne l’apaisement des passions par la musique.

À ce compte, Démocrite, le grand simplificateur d’hypothèses, de qui la science a reçu les symboles qu’il lui faut pour se constituer, doit être l’aboutissant de cette série de philosophes logiciens. Par l’hypothèse de l’atome, Démocrite réduit à des différences de grandeur les différences qualitatives des choses. Pour la première fois, il crée une image cohérente du monde extérieur. Et aussi bien Démocrite marque la transition de la philosophie au savoir. Tous ses travaux de 1866-1868 remontaient

  1. Ibid., X, 45. — Die Vorplatonischen Philosophen. (Philotogica, III, 169.)
  2. Ibid., p. 165.
  3. Ibid., p. 165.