fin et la justification de son effort est de toucher un jour cette limite où, par une dernière et décisive transformation, elle passe à une structure plus parfaite. L’évolution de l’espèce n’a égard ni au nombre des exemplaires, ni à leur bien-être. Elle n’est pas faite pour les derniers survivants où peut-être elle aboutit et dans lesquels elle se survit ; mais en vue des rares échantillons par qui a commencé déjà un autre rameau de l’arbre généalogique des faunes. Une maxi^me de conduite humaine peut se tirer de eet exemple animal. Il y a un moyen d’assurer à l’individu sa valeur la plus haute : c’est de le décider à vivre pour les exemplaires les plus précieux, qui peu à peu transformeront la race entière. Les recherches de Nietzsche aboutissent à observer une concordance entre les résultats de la science historique et du transformisme, et il en tire l’espérance d’une humanité supérieure [1].
Il croit avoir découvert une grande loi de l’évolution humaine : C’est qu’il y a en nous une concurrence de deux instincts profonds : L’extrême dionysisme se confond avec l’instinct de vivre : l’extrême apollinisme avec l’instinct de connaître. Ils sont en lutte, et les destinées de la civilisation dépendent de cet antagonisme peut-être mortel. La foule des hommes, qui laisse jouter en elle ces deux appétits, ignore à quel désastre cette joute peut mener la race. Faut-il se fier à la poussée de la vie, toujours ingénieuse, et compter qu’elle saura trouver son chemin ? Mais rien de plus fragile que la vie, et à plus forte raison la vie civilisée. Rien d’extraordinaire comme la rencontre de faits fortuits qui l’ont préservée. Comment être sûr que de telles rencontres de circonstances heureuses se retrouveront toujours ? L’instinct est une force en marche ; mais, aveugle sur ses fins, il peut être abusivement détourné de
- ↑ Schopenhauer als Erzieher, § 6. (W., I, 442.)