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PRÉFACE



Un livre sur Nietzsche commence légitimement par faire leur part aux précurseurs du nietzschéanisme. On ne peut comprendre la pensée de Nietzsche si l’on n’est familier d’abord avec la culture intellectuelle où elle s’alimente.

Nietzsche s’est fait gloire de tout ce qu’il a su apprendre. Choisir des maîtres, ç’a été pour lui un art de se donner à lui-même des aïeux. Il a dit avec orgueil :

Quand je parle de Platon, de Pascal, de Spinoza et de Gœthe, je sais que leur sang coule dans mes veines.

Il a souvent dressé l’arbre généalogique de la lignée dont il se prétendait l’héritier. Il n’a jamais voulu admettre la distinction établie par Michel-Ange entre l’art d’apprendre et le don naturel :

Qu’appelez vous don naturel, s’écriait-il, si ce n’est un fragment plus ancien d’apprentissage, une expérience, un dressage, une assimilation qui se sont faits peut-être à l’époque de nos pères, ou plus anciennement encore ?… Et puis, apprendre n’est-ce pas se donner à soi-même des dons naturels[1] ?

Règle de vie qu’on retrouverait toute pareille chez Gœthe à qui Nietzsche l’emprunte et en qui il l’a tant admirée. Les passages lui sont présents des Conversations avec Eckermann et des Maximes et réflexions où Gœthe vieillard multiplie les

  1. Nietzsche, Morgenröthe, § 540 (W., IV, p. 346).