Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/158

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sont grands, à leur tour, que par des visions sorties d’un vouloir héroïque pareil à celui des fondateurs de cité, et qui sait assumer le suprême sacrifice. Voilà la logique sentimentale qui meut le système de Nietzsche. Elle le pousse instinctivement à faire front du côté de l’adversaire le plus dangereux, qui n’est pas toujours le même ; et les oscillations de la doctrine viennent des poussées inégales qu’il fait en des sens opposés pour rétablir son équilibre intérieur.

Choisira-t-il le héros Siegfrid ? Il ne le choisira que devant la menace de l’ascète Parsifal ; et au terme il saura les réhabiliter tous les deux. Choisira-t-il Schopenhauer, le Philosophe, ou Wagner, l’Artiste ? Au terme, il connaîtra leur infirmité, mais il ne cessera pas de les admirer. Il appelle ce qui les complète ; il n’ignore pas que leurs rivaux ont besoin d’être complétés par eux. Démarche antithétique de la pensée et du sentiment qu’il a connue dès l’adolescence. Elle ne s’est définie pour lui consciemment que vers 1874, mais elle a rythmé obscurément toujours son action entière.