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CHAPITRE PREMIER


JACOB BURCKHARDT



IL faut, quand on parle de l’ « amitié » qui a uni Jacob Burckhardt et Nietzsche, faire un grand effort d’impartialité. Ils ont tous deux des admirateurs qui tenteront d’accaparer pour l’un ou pour l’autre, à l’exclusion du rival, le mérite d’une œuvre entreprise par eux en commun. Burckhardt était le plus ancien de beaucoup, quinquagénaire déjà quand Nietzsche avait vingt-cinq ans. La déférence de Nietzsche pour son aîné ne se démentit jamais. Mais la sympathie effaçait la distance de l’âge. Nietzsche, de bonne heure, eut une prédilection pour les hommes âgés, ne se sentait à l’aise qu’avec eux et ne trouvait que chez eux la maturité qu’il fallait pour entendre et juger sa pensée nouvelle. Burckhardt, de son côté, se prit tout de suite d’amitié pour ce groupe de jeunes Allemands : Nietzsche, Erwin Rohde, le jeune baron von Gersdorff, où il devinait une des forces intellectuelles de l’avenir.

Nietzsche et Jacob Burckhardt se sont bien connus[1]. Le sujet le plus fréquent de leurs entretiens, ce furent les Grecs. Dès 1871, il fut certain « qu’on pouvait apprendre maintes choses là-dessus à Bâle »[2] ; mais l’étude de la

  1. Nietzsche parle de nähere Beziehungen, de herzliche Annäherung. [Corr., II, 144 ; III, 300 ; V, 149.)
  2. Corr., II, 277.