Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, II.djvu/110

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Leopardi[1]. Il était engagé dans des travaux sur Apulée et sur Pollux, que Nietzsche reconnaissait parents des siens. Ritschl, à vrai dire, n’avait pas aimé la subtile démonstration encore aujourd’hui solide, par laquelle Rohde, préludant à d’immenses travaux sur le roman grec, avait démontré que les Métamorphoses d’Apulée étaient le développement comique d’une curieuse nouvelle, intitulée l’Âne, et que Rohde avait continué faussement d’attribuer à Lucien[2]. Une étude sur le lexicographe Pollux et la source de ses « antiquités » théâtrales faisait déjà surgir dans l’esprit des deux amis des réflexions sur le drame antique. Quoi d’étonnant qu’ils aient songé à publier un commun recueil de travaux sur l’histoire littéraire grecque ? Le projet n’eut pas de suite. Mais Rohde put passer à Naumburg quelques jours dans la maison de son ami. C’est à ce séjour qu’il faisait allusion vingt-deux ans après :

En route pour Berlin, écrira-t-il en 1890, je passai à Naumburg, qui, avec ses tours et ses villas, me faisait signe comme un vieux souvenir inoubliable… Quel homme admirable et quelle révélation nouvelle d’humanité était alors notre pauvre Nietzsche[3] !

Quand Rohde fut parti, Nietzsche et sa sœur Lisbeth poursuivirent gaîment la corvée de l’index à rédiger pour le Rheinisches Museum de Ritschl. La véranda ouverte sur le jardin maternel entendit souvent leur besogne s’achever dans les rires[4]. Puis Nietzsche dut rentrer à Leipzig où l’attendait la destinée.

  1. Corr., II, 99.
  2. Rohde s’exagérait la nouveauté de son premier travail. Ses résultats étaient largement anticipés et ses erreurs réfutées d’avance par Paul-Louis Courier, dans les notes qui accompagnent sa traduction de Lucius ou l’Âne (Œuvres complètes, t. II, 3 sq. ). Mais à Leipzig on mésestimait systématiquement les travaux français.
  3. Fragment d’une lettre de Rohde à Overbeck, publiée par Crusius, loc. cit., p. 175.
  4. E. Foesrter, Der junge Nietzsche, p. 204.