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VI

les affections de famille


Dans cette grande inquiétude, Nietzsche tantôt se jette en avant pour l’attaque impétueuse, tantôt s’en retourne à son ombrageuse solitude ; mais il a aussi des refuges de tendresse où il reprend de la force. Il s’est délassé souvent dans le souvenir et dans le contact renouvelé de celles qu’il avait laissées à Naumburg, sa mère et sa sœur Lisbeth. La vie, plus tard, apportera bien des litiges, quand augmenteront chez Nietzsche la méfiance maladive, ou l’irritabilité causée par une souffrance sans fin, que les ménagements les plus prudents laissaient encore endolories. Dans cette période de jeunesse créatrice oïl entre Nietzsche à Bâle, il ne songe jamais aux siens qu’avec reconnaissance.

Il va sans dire qu’il ne se sentait pas en communion d’idées avec sa mère. Il avait toujours dû lutter contre elle pour s’affranchir. Mais il la dominait à présent, en fils dont elle s’enorgueillissait. Des explications un peu vives, quand Mme Nietzsche résistait à des projets très arrêtés de son fils, les mettaient aux prises. Puis il la laissait retourner à sa jovialité et à sa tranquille assurance de bonne mère de famille allemande. L’automne, en octobre, ou à Noël, il n’en accourait pas moins à Naumburg, avec une impatience nostalgique[1] ; dans la maison maternelle « son cabinet » l’attendait, retraite très solitaire où il travaillait, dormait, prenait ses repas. Il suppliait qu’on lui épargnât les réceptions cérémonieuses, et n’y réus-

  1. Très familial, il choisissait toujours l’anniversaire de sa naissance, ainsi en octobre 1860, 1870, 1871, ou la fête de Noël (1872, 1873, 1874).