musées de Dresde l’école d’art la plus cosmopolite qu’il y eût dans l’Europe centrale. Nulle part le rococo français du xviiie siècle n’atteignit un épanouissement plus enivré. À Dresde, l’architecture du genre rocaille se déploie en floraisons dionysiaques. À Meissen l’art mineur de la porcelaine dit toute l’aptitude de ce peuple aux grâces françaises. Il n’y a pas que de la servilité basse dans l’accueil fait par la Saxe à la gloire napoléonienne. Un grand philosophe, Krause, avait dit un jour, à la loge maçonnique de Dresde, sa philosophie du cosmopolitisme que fonderait le grand conquérant préoccupé de faire couler et de recueillir en un même fleuve, toutes les sources ignorées des civilisations nationales[1].
Le sentiment de la vie étant tel chez ces hommes religieux et savants, universels et nuancés, il leur restait à en trouver l’expression la plus émouvante et la plus universelle : la musique. De tous les grands centres musicaux de pays germaniques, la Thuringe saxonne est le plus ancien. Heinrich Schütz, que Nietzsche a aimé davantage à mesure qu’il vieillissait, est le père de toute musique allemande. Et n’est-ce pas Nietzsche qui a dit de Bach combien dans ses flots roulait de protestantisme approfondi, dégagé de dogme[2] ? N’est-ce pas lui qui, chez le Saxon Haendel, faisait remarquer l’ « audace novatrice, véridique, puissante, tournée vers l’héroïsme »[3] ? Ceux-là donc aussi, quoique remplis d’émotion spontanée, sont encore prédicants : leur musique tâche à nous convertir. Elle se fait didactique et savante. Bach, héritier de toutes les ressources du contre-point, est avant tout un maître impeccable. Schumann, traversé de souffles comme une harpe