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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, II.djvu/59

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souvenirs de la cathédrale de Naumburg. Et déjà on y percevait quelques sonorités de la musique wagnérienne la plus tardive, de celle qui n’était encore écrite. Un jour à Naumburg-, plus tard, comme il préparait sa sœur aux représentations prochaines de Parsifal, une réminiscence le frappa : n’avait-il pas entendu quelque part une musique pareille ? Oui : il l’avait entendue d’avance dans son âme propre. On chercha le vieil oratorio de Nietzsche adolescent. « L’identité de l’émotion et de l’expression était fabuleuse[1]. »

Pour une pensée aussi active, les années fuyaient, rapides. Dans sa cellule de Pforta, d’où sa fenêtre s’ouvrait sur un beau tilleul et sur les collines de la Saale baignées de soleil au printemps, il trompait sa solitude, en cherchant à influencer de loin les âmes qu’il aimait[2]. La nervosité impérieuse et didactique de son caractère ne se démentait pas. Depuis 1862 sa sœur Lisbeth vivait à son tour éloignée de la maison paternelle, achevant son instruction dans un pensionnat de Dresde. Friedrich ne l’avait rejointe qu’une fois à Pâques durant cette première année. Maintenant, il lui envoyait, avec des tendresses et des poèmes, les conseils d’une pédagogie qui se croyait supérieure. Kleist n’a pas témoigné plus de pédantisme affectueux envers sa fiancée, Wilhelmine von Zenge, qu’on n’en voit dans ces lettres de Nietzsche, élève de seconde. Il a souci que sa sœur tire des ressources de cette ville d’art tout le profit qu’on peut s’en promettre. Il veut qu’elle aille fréquemment au musée et il exige des rapports circonstanciés. Il s’inquiète du mauvais style de Lisbeth ; lui conseille une méthode d’italien ; la pourvoit de bonne lectures poétiques, Shelley par exemple ; et de

  1. Lettre à Peter Gast {Corr., IV, 110).
  2. À sa sœur, Pâques 1862 {Corr., V, 22).