par l’intelligence[1]. Nietzsche s’ouvrit de ces jugements à son ami Gersdoff, qui, à Spandau, s’engageait pour une carrière d’officier : « Il nous faut être fiers d’avoir une telle armée et — horribile dictu — un tel ministre[1]. » Il approuvait que le programme national et l’idée de l’unité allemande fussent poursuivis avec une ténacité qui ne redoutait aucune dépense de sang, Bismarck, si longtemps combattu par les libéraux dont il faisait la besogne, avait obtenu enfin des Chambres prussiennes le bill d’indemnité qui absolvait son passé violent. Nietzsche admirait la politique machiavélique qui avait réussi à mener contre l’Autriche un parti conservateur, rempli, six mois avant, de cette illusion que l’Autriche était le suprême appui de sa cause. Bismarck courbait devant le succès à la fois ses amis d’hier, hostiles à cette guerre, et ses ennemis qui, la voulant, n’avaient pas consenti les moyens de la préparer.
Sans doute, là encore, comme le remarquait Catulle Mendès à Munich vers le même temps, il apparaissait que « les loups ne s’entre-mangent pas ». Les Saxons, dont l’armée était battue aux côtés de l’Autriche, couraient entendre la tragédienne Hedwig Raabe aux jours mêmes des défaites les plus tragiques[2]. Leurs journaux illustrés montraient les femmes et les jeunes filles saxonnes accueillant les militaires prussiens à la Pleissenburg, tandis que les hommes, rassurés, reprenaient dans les brasseries les fanfaronnades anti-prussiennes. Quel serait le sort de la Saxe ? Quelques professeurs, tels que Biedermann à Leipzig, et le plus éloquent parmi les jeunes hérauts du national-libéralisme, Treitschke, réclamaient l’annexion à la Prusse. Nietzsche fut de sympa-