Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/101

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recommence. Moussia distingue nettement le pas des soldats, tournant l’angle de la prison ; c’est un régiment tout entier qui passe sous les fenêtres. Les bottes scandent le rythme de la musique sur la terre gelée : une ! deux ! une ! deux ! Parfois, le cuir d’une botte craque ; un pied glisse et se raffermit aussitôt. La musique se rapproche, elle joue une marche triomphale, bruyante et entraînante, que Moussia ne connaît pas. Il y a probablement une fête dans la forteresse.

Les soldats sont sous les fenêtres et la cellule se remplit de sons joyeux, cadencés et harmonieux. Une grande trompette de cuivre lance des notes fausses : elle n’est pas en mesure. Moussia se représente le petit soldat qui joue de cette trompette avec un air appliqué, et Moussia rit.

Le régiment a passé ; le bruit des pas va en mourant : une, deux ! une, deux ! De loin, la musique est encore plus belle et plus gaie. Plusieurs fois encore, la trompette retentit à contre-temps, de sa voix métallique, sonore