Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/116

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remettait à courir ; puis il appuyait son front contre le mur, s’arrêtait et cherchait des yeux comme un remède. Il avait tant changé qu’on pouvait supposer qu’il possédait deux visages différents, dont l’un, le jeune, s’en était allé on ne sait où, pour faire place au second, terrible celui-là, et comme sorti des ténèbres.

La peur s’était manifestée tout d’un coup en lui et s’était emparée de sa personne en maîtresse exclusive et souveraine. Le matin fatal, alors qu’il marchait à la mort certaine, il avait joué avec elle ; mais le soir, enfermé dans sa cellule, il avait été emporté et fouetté par une vague de terreur folle. Tant qu’il était allé librement au-devant du danger et de la mort, tant qu’il avait tenu son sort dans ses mains, quelque terrible qu’il dût être, il s’était montré tranquille, joyeux même, sa toute petite peur honteuse et caduque évanouie sans laisser de traces, dans un sentiment de liberté infinie, dans l’affirmation audacieuse et ferme de sa volonté intrépide. Le corps ceinturé d’une