Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/146

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impression ; bien qu’en proie à la peur et à l’angoisse, ils se réjouissaient vaguement de la chose extraordinaire qui allait se passer. La réalité s’enivrait de folie, et la mort, s’accouplant à la vie, engendrait des fantômes.

— Nous voilà arrivés ! dit Werner, avec une curiosité joyeuse, lorsque la voiture s’arrêta ; il sauta aisément sur le sol. Il n’en fut pas de même pour Ianson, qui résistait, sans mot dire, très paresseusement, semblait-il, et qui refusait de descendre. Il se retenait tantôt à un angle, tantôt à la porte, à la haute roue, et cédait à la première intervention du gendarme. Il se collait aux choses plutôt qu’il ne s’y agrippait, et il n’était pas nécessaire de déployer beaucoup d’efforts pour l’en détacher. Enfin, on eut raison de lui.

Comme toujours pendant la nuit, la gare était sombre, déserte et inanimée. Les trains de voyageurs avaient déjà passé ; et pour le train qui attendait les prisonniers sur la voie, il n’y avait pas besoin de lumière ni d’agitation. L’ennui s’empara de Werner. Il