Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/145

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Werner répondit et serra plus fort la main de l’Estonien. Il aurait voulu dire des paroles particulièrement amicales et douces à ce petit homme endormi, qu’il aimait déjà plus que personne au monde.

— Cher ami ! Je crois que tu es mal assis ! Rapproche-toi de moi !

Ianson garda le silence ; au bout d’un moment, il lui répondit :

— Merci ! Je suis bien ! Et toi, on te pendra aussi ?

— Oui ! répliqua Werner, avec une gaîté inattendue, en riant presque. Et il eut un geste aisé et dégagé, comme s’ils avaient parlé d’une plaisanterie futile et bête que voulaient leur jouer des gens affectueux, mais terriblement farceurs.

— Tu as une femme ? demanda Ianson.

— Une femme ! Moi ! Non, je suis seul !

— Moi aussi, je suis seul.

Werner commençait à avoir le vertige : Par moments, il lui semblait qu’il se rendait à une fête. Chose bizarre ; presque tous ceux qui allaient au supplice avaient la même