Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
LA VIE D’UN POPE

frondaisons, elle cueillait, blottis dans l’herbe, une foule de champignons blancs ; ils se pressaient étroitement les uns contre les autres ; la popadia trouvait à leurs têtes noires, à leurs airs naïfs, de vagues ressemblances avec une nichée de tout petits garçons, et cette idée lui inspirait une sorte d’émotion attendrie.

Puis, elle marchait encore, de son pas ample et prudent de femme sur le point d’être mère, et la forêt profonde devenait pour elle un être vivant, caressant et sensé.

L’automne, puis l’hiver s’écoulèrent tranquilles et heureux. La popadia passait toutes ses soirées à coudre des langes et de petits maillots ; pensive, elle maniait le linge de ses doigts blancs, dorés par la lampe d’une lumière rosée ; sa main pétrissait et lissait l’étoffe moelleuse comme pour la caresser.

Une pensée spéciale, une pensée commune aux jeunes mères, se peignait sur ses traits, et, dans l’ombre bleue de l’abat-jour, son