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LA VIE D’UN POPE

de surnaturel. Par-dessus la table deux visages mornes et blêmes émergent de l’obscurité, avancent et reculent, dans une sorte de danse étrange et silencieuse. La popadia achève son petit verre en marmottant des mots… ; les mains sèches se remettent à courir sans bruit sur la table… ; et voici que le silence commence à bruire, et qu’à la table vient s’asseoir un nouveau personnage… des doigts crochus tâtent les cartes, se tendent vers la popadia, parcourent ses genoux comme des araignées, rampent jusqu’à sa gorge…

— Qui est là ? s’écrie-t-elle en se dressant d’un bond.

Mais il n’y a là que le pope et Nastia, qui la regardent, étonnés.

— Calme-toi, chérie, nous sommes là. Nous et personne d’autre.

— Mais lui ?

— Il dort.

La popadia se rassied, et, pendant un instant, les objets cessent de se mouvoir, et restent immobiles à leur place usuelle. Et le