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LA VIE D’UN POPE

— Certainement, j’ai eu peur. Quelle idée as-tu donc eue, Nastenka ?

La popadia frissonna comme si le vent s’était levé subitement, et, taquinant de ses doigts tremblants la frange de son manteau, elle balbutia :

— Je ne sais pas, Vassili… j’ai tant de chagrin !… Et puis, j’ai peur de tout ; toutes ces choses qui s’accomplissent, je ne les comprends pas, et j’ai peur. Ainsi, voilà le printemps, l’été viendra ensuite, puis l’automne… et nous serons encore assis comme en ce moment, toi dans ce coin, moi dans l’autre. Ne te fâche pas, Vassili, je sais bien que c’est impossible autrement… et pourtant…

Elle soupira, et poursuivit les yeux toujours fixés sur sa robe :

— Autrefois, je croyais ne pas craindre la mort. Je me disais toujours : si cela va trop mal, eh bien ! je mourrai. Aujourd’hui, je la crains !… Alors, que faire, Vassinka, mon chéri ?… Boire, encore, toujours ?…

Elle leva sur le pope un regard indécis, plein d’une tristesse mortelle, d’une immense