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LA VIE D’UN POPE

désolation ; et ses yeux humbles et usés par les larmes semblaient demander grâce.

Dans la ville où le père Vassili avait fait ses études, il se souvint d’avoir vu, un jour, un Tatar en haillons conduire un cheval à l’équarrisseur ; la bête avait un sabot brisé qui pendait, et elle trébuchait à chaque instant sur le moignon tout sanglant. Malgré le froid, son poil trempé de sueur reluisait, et exhalait une sorte de buée blanchâtre ; ses yeux immobiles regardaient en avant, avec une terrifiante expression de douceur et de résignation.

Les yeux de la popadia avaient la même expression ; alors il pensa que si quelqu’un creusait une tombe, y jetait cette femme, et l’y ensevelissait vivante, celui-là ferait une bonne action.

Les jours suivants, le père Vassili reprit ses manières froides et tranquilles, et jamais plus il ne fit allusion à ce qui était arrivé ; mais dans sa voix, dans son regard, il y avait une tendresse virile et silencieuse,