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LA VIE D’UN POPE

soutenait, seule et sans un cri, la lutte avec la folie et les fantômes…

La nuit, quand tout sommeillait, elle ne manquait jamais d’entrer dans la chambre des enfants. Parfois, sa fille Nastia veillait encore, et la popadia la trouvait assise au bord du lit, plongée dans une profonde rêverie.

Sur son corps maigre et courbé, les omoplates saillantes et les côtes se dessinaient sous la peau ; une chemise sale bâillait sur ses épaules anguleuses ; les bras noués autour des genoux, elle se balançait longuement, semblable à un oiseau noir que la gelée a surpris dans les champs ; et ses yeux, simples et énigmatiques comme ceux des bêtes, regardaient, regardaient obstinément devant eux, et ne clignaient jamais.

Sans regarder Nastia, la popadia posait alors la lampe sur le plancher et se penchait sur l’idiot qui sommeillait sans bruit : il était étendu sur le dos, la poitrine monstrueuse-