Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/29

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médecins lui avaient dit qu’il allait mourir, qu’il devait prendre ses dernières dispositions. Il ne les avait pas crus ; et en effet, il était resté en vie. Dans sa jeunesse, il lui était arrivé de perdre pied ; résolu d’en finir avec l’existence, il avait chargé son revolver, écrit des lettres et fixé l’heure de son suicide ; puis, au dernier moment, il avait réfléchi. Car toujours, à l’instant suprême, une circonstance inattendue peut se produire ; aucun homme, par conséquent, ne peut savoir quand il mourra.

« À une heure de l’après-midi, Excellence ! » lui avaient dit ces aimables crétins. On l’en avait informé seulement parce que sa mort était conjurée ; or, il était terrifié rien qu’en apprenant l’heure où elle eût été possible. Certes, il savait bien qu’on le tuerait une fois ou l’autre, mais ce ne serait pas demain… ce ne serait sûrement pas demain ; il pouvait dormir tranquille, comme un être immortel. Les imbéciles ! ils ne soupçonnaient pas quel gouffre ils avaient creusé en disant, avec une stupide amabilité : « À