Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
LA VIE D’UN POPE

Ses jambes s’embarrassent dans sa longue soutane, il trébuche, roule à terre, se relève sanglant et terrible, recommence à courir.

La rue est déserte, comme si c’était la nuit ; aux maisons, aux fenêtres, personne !…

« Tout le monde est mort ! »

Comme un éclair, cette pensée traverse le cerveau du fou ; au-dessus de lui, un grand nuage, noir comme la fumée, projette en avant trois longs bras semblables à des griffes crochues ; derrière, un bruissement confus et menaçant le poursuit…

Bien loin, devant lui, sur la route, un moujik et des femmes, dans une télègue, s’en retournent de Znamenskoié ; ils voient un grand homme noir courir vers eux à toutes jambes, s’arrêtent un instant, puis, reconnaissant le pope, ils fouettent le cheval, qui part au galop. La télègue bondit à chaque ornière, se renverse à demi, mais les trois paysans, muets et penchés en avant, talonnés par l’épouvante, ne cessent de fouetter le cheval éperdument, et s’en vont au galop…