Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/36

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voyait un ciel très bizarre et très beau : au premier coup d’œil, il semblait d’un gris laiteux et trouble ; puis, à le regarder mieux, il apparaissait avec des taches d’azur d’un bleu de plus en plus profond, pur et infini. Et parce qu’il ne se dévoilait pas brusquement, mais se drapait pudiquement dans le voile transparent des nuages, il devenait cher, telle une fiancée. Serge Golovine regardait le ciel, tiraillait sa moustache, clignait tantôt l’un, tantôt l’autre de ses yeux aux longs cils touffus et réfléchissait profondément on ne sait à quoi. Une fois même, il agita vivement ses doigts ; une expression de joie naïve parut sur son visage ; mais il regarda autour de lui et sa joie s’éteignit comme un tison sur lequel on a posé le pied. Presque instantanément, presque sans transition, la rougeur des joues fit place à une blancheur cadavérique ; un fin cheveu arraché avec douleur fut serré comme dans un étau par les doigts aux extrémités exsangues. Mais la joie de la vie et du printemps était encore plus forte. Quelques