Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/55

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serait pendu, et chaque matin, le gardien lui répondait avec colère :

— Tu as bien le temps !

Et il sortait vivement, avant que Ianson se mît à rire.

Grâce à cet échange de paroles invariables, Ianson se persuada que l’exécution n’aurait jamais lieu ; pendant des journées entières, il restait couché, en rêvant vaguement aux champs désolés et couverts de neige, au buffet de la gare et aussi à des choses plus lointaines et plus lumineuses. Comme il était bien nourri en prison, il prit de l’embonpoint.

— Elle m’aimerait maintenant, se disait-il, en pensant à la femme de son patron. Maintenant, je suis aussi gros que son mari.

Il n’avait qu’une seule envie : boire de l’eau-de-vie et courir follement les routes avec son cheval lancé au triple galop.

Lorsque les terroristes furent arrêtés, toute la prison l’apprit. Un jour, quand Ianson posa sa question coutumière, le surveillant lui répondit brusquement d’une voix irritée :