Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/67

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— Hé bien, allons-nous-en, imbécile ! Et tiens bien ton fusil, sinon je te le prends !

Le soldat le regarda d’un air craintif ; il échangea un coup d’œil avec son camarade et vérifia la platine de son arme. L’autre fit de même. Et pendant tout le trajet jusqu’à la prison, il sembla aux soldats qu’ils ne marchaient pas, mais qu’ils volaient ; ils étaient si absorbés par le condamné qu’ils n’eurent pas conscience de la route qu’ils parcouraient ni du temps, ni d’eux-mêmes.

Comme Ianson, Michka le Tzigane resta dix-sept jours en prison avant d’être exécuté. Et ces dix-sept journées passèrent aussi rapidement qu’un seul jour, remplies d’une seule et unique pensée, celle de la fuite, de la liberté, de la vie. L’âme violente et indomptable du Tzigane, étoufiée par les murs et les grillages de la fenêtre opaque, usait toute son énergie à incendier le cerveau de Michka. Comme dans une vapeur d’ivresse, des images vives bien qu’imparfaites tourbillonnaient, se heurtaient, se confondaient dans sa tête ; elles passaient avec