Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/71

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hache à la main. Le soleil éclaire les têtes, joue gaiement sur le métal de la hache ; tout est si joyeux, si magnifique que même celui à qui on va couper la tête sourit. Derrière la foule, on voit les chars et les naseaux des chevaux : les paysans sont venus en ville à cette occasion. Plus loin encore, les champs. Le Tzigane se lécha les lèvres et cracha par terre. Soudain, il lui sembla qu’on venait de lui enfoncer sa casquette de fourrure jusque sur la bouche : tout devint sombre ; il haleta ; et son cœur se transforma en un bloc de glace, tandis que de petits frissons couraient sur son corps.

Deux fois encore, le surveillant revint ; les dents découvertes, le Tzigane lui répondit :

— Es-tu pressé ! Reviens encore une fois !

Enfin, un jour, le geôlier lui cria en passant devant le guichet :

— Tu as manqué l’occasion, vilain corbeau. On en a trouvé un autre.

— Que le diable t’emporte ! Va faire le bourreau toi-même ! répliqua le Tzigane.