Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/72

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Et il cessa de rêver aux splendeurs de ce métier.

Mais, vers la fin, plus la date de l’exécution se rapprochait et plus l’impétuosité des images devenait insupportable. Le Tzigane aurait voulu en suspendre le cours, mais le torrent furieux l’emportait, sans qu’il pût se retenir à quoi que ce fût. Et son sommeil devint agité ; il eut des visions nouvelles, déformées, mal équarries telles des morceaux de bois enluminés, et encore plus impétueuses que ses pensées. Ce n’était plus un torrent, mais une chute continuelle d’une hauteur infinie, un vol tourbillonnant à travers le monde éblouissant des couleurs. Naguère, le Tzigane ne portait qu’une moustache très soignée ; depuis qu’il était en prison, il avait dû laisser pousser sa barbe qui était courte, noire, piquante et lui donnait l’air fou. Au surplus, le Tzigane perdait l’esprit par moments. Il tournait autour de sa cellule sans en avoir conscience, en tâtant les murs rugueux. Il buvait toujours beaucoup d’eau, comme un cheval.