Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/96

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mouvement des deux mains, elle dégageait sa gorge et tâtait avec précaution l’endroit où la peau lui cuisait.

Moussia marchait à grands pas, et elle se justifiait, en rougissant, de ce qu’on lui avait assigné à elle, si jeune, si humble, qui avait fait si peu de chose, la mort la plus belle, réservée jusqu’alors aux martyrs. Il lui semblait qu’en mourant à la potence, elle affichait une prétention de mauvais goût.

À la dernière entrevue, elle avait prié son avocat de lui procurer du poison, mais aussitôt elle y avait renoncé : n’allait-on pas penser qu’elle agissait ainsi par peur ou par ostentation ? Au lieu de mourir modestement, inaperçue, ne causerait-elle pas encore du scandale ? Aussi avait-elle ajouté vivement :

— Et puis, non, c’est inutile !

Maintenant, son unique désir est d’expliquer, de prouver qu’elle n’est pas une héroïne, qu’il n’est pas effroyable de mourir, qu’il ne faut ni la plaindre, ni se tourmenter pour elle.

Comme si on l’avait vraiment accusée,