Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/99

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horizons infinis, et pour lequel l’espace tout entier, l’azur caressant et tendre, est accessible. Les heures sonnent. Les pensées se fondent dans une symphonie harmonieuse et lointaine : les images fuyantes deviennent une musique. Il semble à Moussia qu’elle voyage, pendant une nuit tranquille, sur une route large et douce ; les ressorts de la voiture tressautent faiblement. Tous les soucis ont disparu ; le corps fatigué se dissout dans les ténèbres ; joyeuse et lasse, la pensée crée paisiblement de vives images et s’enivre de leur beauté. Moussia se rappela trois camarades qui avaient été pendus récemment ; leurs visages étaient illuminés et proches, plus proches que ceux des vivants… Ainsi, le matin, on pense gaiement aux amis hospitaliers qui vous recevront le soir, le sourire aux lèvres…

À force de marcher, Moussia se sentit très fatiguée. Elle se coucha avec précaution sur le lit de camp et continua à rêver, les paupières à demi-closes :

« Est-ce bien la mort ? Mon Dieu, qu’elle