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LE GOUVERNEUR

se serait sans doute prononcée contre la peine de mort ou l’exécution, comme disaient les uns. Les femmes qui ont peur du sang et sont généralement compatissantes, manifestèrent en cette occurrence une cruauté bizarre et une obstination invincible : presque toutes elles étaient pour la peine de mort, la mort la plus terrible ; on avait beau leur prouver qu’elles avaient tort, malgré tous les arguments, elles tenaient bon, avec fermeté, avec stupidité même. Parfois l’une cédait et reconnaissait l’inutilité de l’assassinat, mais le lendemain, comme si rien ne s’était passé, et que la tolérance manifestée la veille se fût dissipée pendant le sommeil, elle affirmait de nouveau qu’il fallait tuer.

En général, les idées étaient peu claires et la diversité d’opinions complète ; et si une personne nom au courant des affaires avait prêté l’oreille aux conversations, elle n’aurait pas pu savoir s’il fallait tuer le gouverneur ou non. Et si, étonnée, elle avait demandé :

— Mais pourquoi pensez-vous tous qu’il sera tué ? Qui sera l’assassin ?

Elle n’aurait pas obtenu de réponse ; mais au