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NOUVELLES

recevait la correspondance personnelle du gouverneur les distinguait aussi bien que son maître. Pierre Ilitch lisait attentivement, lentement chaque lettre, du commencement à la fin ; s’il y trouvait un mot indéchiffrable, il l’étudiait ou tâchait de deviner sa signification. Les lettres peu intéressantes, ou pleines d’injures inconvenantes, étaient déchirées ainsi que celles où des inconnus bienveillants l’informaient de l’attentat qui se préparait contre lui ; quant aux autres, il leur donnait un numéro d’ordre et les classait dans un but qu’il pressentait vaguement.

En général, malgré les différences extérieures de langue et d’orthographe, le contenu des lettres était d’une monotonie lassante : les amis prévenaient, les ennemis menaçaient ; en somme, c’était comme des « oui » et des « non » brefs et qui ne prouvaient rien. Il s’était déjà accoutumé aux mots « assassin » et « vaillant défenseur de l’ordre », tant ils se répétaient souvent ; il lui semblait de même s’être habitué à l’idée que tous, amis et ennemis, croyaient également à l’imminence de sa mort. Le froid l’envahissait et il aurait voulu pouvoir se réchauffer, mais le thé