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NOUVELLES

cognant aux palissades, aux passants et s’enfuyait au bout du village, au fond d’un grand jardin, dans un endroit qu’il connaissait. Là, il léchait ses plaies et ses blessures et, dans la solitude, la terreur et la haine s’amassaient en lui.

Une fois seulement, quelqu’un le caressa. C’était un paysan ivre qui sortait du cabaret. Il aimait tout le monde, fraternisait avec chacun et marmottait on ne sait quoi à propos des braves gens ; aussi eut-il pitié du vilain chien malpropre sur lequel ses regards vagues et troubles tombèrent par hasard.

— Médor ! appela-t-il du nom commun à toute l’espèce canine. Médor ! viens ici ! n’aie pas peur !

Le chien avait grande envie d’obéir ; il agitait la queue, mais sans se décider. Le paysan frappa sur son genou en répétant d’un ton persuasif :

— Mais viens donc, nigaud ! Parole, je ne te toucherai pas !

Tandis que le chien hésitait, tout en remuant la queue de plus en plus fort et en s’approchant à petits pas, l’humeur de l’ivrogne changea. Il se