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Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/171

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KOUSSAKA

rappela tout ce qu’il avait eu à souffrir de la part des « braves gens » ; une colère sourde l’envahit et, quand Médor se coucha sur le dos à ses pieds, il lui lança dans le flanc un grand coup de botte.

— Tiens, sale bête !

Le chien se mit à hurler, plutôt de surprise et de chagrin que de douleur ; le paysan rentra chez lui en vacillant, puis, ayant rossé sa femme, il déchira en menus morceaux le fichu neuf qu’il lui avait donné la semaine précédente.

Dès lors, le chien se méfia de ceux qui voulaient le caresser ; la queue entre les jambes, il se sauvait, à moins qu’il ne se jetât avec rage sur les passants, s’efforçant de mordre, jusqu’à ce qu’on parvînt à se débarrasser de lui à coups de bâton. Un hiver, il s’installa sous la terrasse d’une villa déserte qui n’avait pas de gardien et veilla sur la propriété avec désintéressement ; la nuit, il allait de temps en temps sur la route et hurlait à en devenir enroué. Puis, une fois recouché, il continuait à grogner avec fureur, mais on sentait qu’il était satisfait et fier de lui-même.

Les nuits d’hiver étaient terriblement longues et

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