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KOUSSAKA

naire si souple et si élastique devenait lourd, ridicule et piteux.

— Maman ! Enfants ! Regardez Koussaka qui joue, s’écria Lélia, et elle ajouta en étouffant de rire :

— Encore, Koussaka, encore ! Oui comme cela.

Tout le monde accourut, ce fut une joie générale de voir Koussaka qui virait et culbutait, mais personne n’aperçut la prière bizarre peinte dans ses yeux. Et de même qu’autrefois on appelait le chien qu’on injuriait pour voir sa peur insensée, de même maintenant on le caressait afin d’exciter ces accès d’affection infiniment risibles. Il ne se passait pas une heure sans qu’un des enfants ne criât :

— Koussaka, joli Koussaka, joue un peu !

Et Koussaka tournait et culbutait au milieu de rires inextinguibles. On célébrait ses talents devant lui et en son absence on regrettait seulement qu’il ne voulût pas répéter ses tours devant les visites ; mais il s’enfuyait alors dans le jardin ou se cachait sous la terrasse.

Peu à peu Koussaka s’habitua à ne plus s’inquiéter de sa nourriture ; à une heure déterminée,