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KOUSSAKA

— Tu es là, mon pauvre Koussaka, dit Lélia survenant. Elle était déjà en costume de voyage et portait la jupe brune à laquelle Koussaka avait enlevé un morceau. Viens avec moi !

Le chien la suivit sur la route. La pluie tombait par intervalles, et tout l’espace entre le ciel et la terre était rempli par des nuages ondoyants qui couraient avec rapidité. Ils semblaient lourds, et le soleil s’attristait de cette muraille compacte.

À gauche de la route s’étendaient des chaumes noircis, tandis que l’horizon seul, l’horizon montueux et proche, se hérissait d’îlots faits d’arbustes et de buissons. Tout près, à l’entrée de la ville, il y avait un cabaret, au toit de zinc peint en rouge ; devant la porte des gens s’amusaient à taquiner l’idiot du village, Jlioucha.

— Donnez-moi un copeck ! nasillait-il.

Des voix irritées et moqueuses lui répondaient avec ensemble :

— Veux-tu fendre du bois ?

Jlioucha proférait des injures basses et cyniques, qui faisaient rire sans gaieté les auditeurs.

Un rayon de soleil se fit jour, d’un jaune anémique comme si le soleil eût été incurablement