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NOUVELLES

bu, il se mettait à parler avec chaleur, en phrases saccadées et risibles de la Serbie, de choses futiles, des partis politiques, des radicaux et des Turcs, d’un certain Bodemlitch, homme féroce et terrible, etc. Et il adressait tant de louanges à la petite Serbie, que ses camarades riaient aux éclats et le taquinaient sans répit.

— Mon Dieu ! s’écriait Vanka Kostiourine. Il parle de la Serbie et elle est grosse comme ce hareng. Le Turc la prendra et l’avalera !

— Elle l’étouffera ! répliquait Raïko, hérissant ses moustaches, dardant son regard aigu, frémis sant de toute sa petite personne nerveuse et pointue.

— Il la crachera et dira : « Quelle saleté ! »

Lançant un regard furieux sur l’assistance, Raïko jetait avec rage :

— Anes !

Puis il s’en allait dans la chambre. Les étudiants riaient d’un rire mélancolique. Tchistiakof se disait que, en effet, la Serbie était vraiment petite et lamentable, avec ses habitants fougueux mais impuissants, son désordre continuel ; elle était pitoyable et mesquine et faisait penser à des