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NOUVELLES

— Tu es un fourbe ! Pourquoi danses-tu la danse russe ? Tu n’as ni patrie, ni foyer ! Tu es pire qu’une bête !

Ce fut Tchistiakof qui répondit, comme si le reproche lui eût été adressé. Il dit d’une voix sourde et calme :

— Et toi, Raïko, tu aimes la Serbie ?

— Bien entendu, je l’aime !

— Ah !

Tout le monde garda le silence ; Raïko s’empara d’un couteau de table, le brandit, en criant d’une voix sauvage :

— Je veux tuer ! je suis furieux ! Que le cœur me fait mal ! Oh ! qu’il me fait mal !

De toute sa force, il lança contre le mur le couteau, qui frappa du côté plat et retomba avec bruit. Et il sortit sans regarder derrière lui.

Une demi-heure plus tard, Tchistiakof alla le rejoindre ; il avait pitié du petit Raïko qui aimait tant sa petite patrie. Tandis que Tchistiakof passait dans le long corridor obscur et hésitait entre ces portes toutes semblables, son oreille fut frappée par des sons pareils à des gé-