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NOUVELLES

boutiquier de la rue, mais elles étaient aussi réservées pour Pâques.

Bientôt, les Pouchkaris, propres, bien vêtus, en vestons et en gilets sur leurs chemises de laine rouge ou bleue, en longues bottes plissées, aux talons hauts et pointus, s’en allèrent à l’église les uns après les autres. Le lendemain, toute cette splendeur devait échouer derrière les comptoirs des cabaretiers ou être déchirée dans une lutte amicale à propos de l’harmonica, mais, pour l’heure, les Pouchkaris rayonnaient. Chacun portait avec soin un mouchoir contenant des gâteaux variés et des pains de Pâques. Personne ne prenait garde à Bergamote ; d’ailleurs celui-ci ne contemplait pas ses filleuls avec une affection parti culière, calculant vaguement le nombre de voyages qu’il aurait à faire le lendemain jusqu’au commissariat. Au fond, il était jaloux de ce que les autres fussent libres, de les voir gagner un lieu où il faisait clair, chaud et beau, tandis que lui restait planté là, comme un malheureux, comme un impur.

— « Il faut rester là à cause de vous autres, ivrognes ! » c’est ainsi qu’il résuma ses pensées