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NOUVELLES

sombre et préoccupé ; ses cheveux n’étaient pas coiffés comme à l’ordinaire et tombaient en désordre par mèches distinctes. Il avait honte de s’être grisé et d’avoir manqué à sa parole, de se montrer à Sénista, puant l’eau-de-vie trop brûlée, dans une tenue débraillée, et non dans toute la splendeur de sa blouse et de son gilet de laine rouge. Mais plus il approchait de l’hôpital, plus il se sentait soulagé ; et ses yeux s’abaissaient toujours plus souvent vers sa main droite, dans laquelle il tenait avec précaution le mouchoir et le cadeau. Il voyait distinctement le visage de Sénista, avec ses lèvres desséchées et son regard suppliant.

— Mon petit, est-ce que… ? Ah ! mon Dieu ! dit Sazonka, et il hâta le pas.

Voilà l’hôpital, grand bâtiment jaune, aux fenêtres encadrées de noir, pareilles à des yeux sombres et mornes. Voilà le long corridor, l’odeur des médicaments et un vague sentiment d’angoisse et de terreur ; voilà la salle, le lit de Sénista…

— Mais Sénista, où est-il ?

— Qui demandez-vous ? questionne une infirmière.