Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
EN ATTENDANT LE TRAIN

étouffé résonnant dans l’air gris qui engloutissait les sons. C’était un train-express ou rapide qui ne s’arrêtait pas devant le quai. Peu à peu le bruit augmenta, et soudain, par-dessus le mur qui me cachait le côté droit de la voie, le monstre de flamme et de fumée noire fit irruption et passa comme le vent, traînant à sa suite avec un fracas assourdissant les wagons lourds. Les fenêtres éclairées se confondaient dans une raie lumineuse, peuplée de silhouettes. Du quai très bas, presque au niveau des rails, on voyait le mouvement des roues, qui semblaient légères et transparentes.

Le silence régna une minute, troublé seulement par le jeune homme béat, chez qui l’ouragan avait éveillé de nouvelles forces. D’une voix abominablement fausse, il se mit à chanter.

La lune blonde
Flotte au-dessus de la rivi-vi-ère…

— Tu mens, — interrompit méchamment le vieux. Ouvre bien les yeux et tu verras les nuages…

Tout est plongé
Dans le silence nocturne…