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Page:Andre Suares Voyage du Condottiere Vers Venise, 1910.djvu/133

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voyage du condottière

masque de prétention avantageuse ; il ne tient pas de plus près à Stendhal que ce toupet de faux cheveux, qu’il se collait au front, après 1830.

Héros de la vie, comme Bonaparte, prince des héros, il veut toujours agir. Il regarde l’état de passion, comme le seul où l’on vive. C’est pourquoi il n’envie que d’être toujours en passion. Qu’il est sagement prodigue ! Comme il se donne libéralement à nos heures si brèves ! Vivre de toutes ses forces, il n’est pas d’autre volonté pour l’homme bien né ; et c’est le seul moyen d’être heureux. L’homme n’a point d’autre bonheur que de posséder la vie, point d’autre devoir que de lui faire rendre tout ce qui est en elle, point d’autre vertu que de s’y faire héroïque. Beaucoup qui ne le seraient en rien, sont des héros en aimant.

Avant tout, la force du caractère. Le caractère, c’est-à-dire la passion d’être soi, à tout prix. Stendhal la suppose chez tous les Italiens, comme il l’a vue dans leurs chroniques. De là, qu’il a créé une Italie plus italienne cent fois que celle que nous avons sous les yeux. Chaque poète cherche une matière conforme à son génie. Il la demande à la nature ; il croit l’avoir trouvée, quand la nature lui livre une terre qui se laisse modeler. Mieux elle s’y prête, plus l’artiste en chérit la complaisance ductile et, caressant son modèle, se flatte d’être fait pour lui. Stendhal nous a donné l’Italie que nous aimons : depuis, entre les Alpes et la Sicile, c’est toujours l’Italie de Stendhal que l’on cherche. Souvent, elle empêche de voir l’autre, un pays nouveau qui ne ressemble guère à l’idée qu’on s’en est faite. Ce peuple est bien vivant, mais non pas de la vie tragique qu’on lui suppose.

On court après elle, de Milan à Palerme. On la reconnaît de loin en loin ; et jamais elle ne m’enveloppe ni ne me fixe, moi qui veux y être fixé. Entre l’Italien de 1900 et celui du XIIIe siècle,