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Page:Andre Suares Voyage du Condottiere Vers Venise, 1910.djvu/154

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voyage du condottière

nager dans la chaleur de cette heure splendide. Vérone brûle comme un bûcher de désirs. Les cloches se sont tues. Les flammes de l’astre lèchent les toits de briques. La ville est un torrent de lumière, qui vient mourir entre les doigts des cyprès. Elle se recueille dans le silence de la joie et d’une vocation bienheureuse.

L’alouette qui chante à la mort, c’est le soleil qui empourpre l’Adige. Les violentes hirondelles tirent l’alène sur l’air mauve ; et au fil de leurs cris stridents, elles cousent le ciel au fleuve. Quel linceul pour les amants !

L’adorable jardin est tout amour au soleil sanglant. Et, peut-être, n’est-ce plus l’heure de l’alouette ? Nous ne regardons plus à l’Orient ; et notre passion, souvent, redoute l’aube. L’heure du crépuscule, un noir jardin suspendu au-dessus d’une ville et d’un torrent, dans le silence des cyprès sublimes, voilà l’heure et le lieu pour les amants. Que la mort vienne !

Et plût au ciel que je visse se lever la lune, tandis qu’ils sont aux bras l’un de l’autre, se baisant les lèvres très amoureusement.