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voyage du condottière

mais qu’ils nous la laissent. Je ne voyage pas pour vérifier leurs dates : je me suis mis en route pour délivrer les Andromèdes captives, pour faire jaillir les sources, et prendre au vol les images. Je veux ouvrir les palais dormants avec ma clé. Je suis oiseleur et chevalier errant.

Monna Velena

À Poldi Pezzoli, Pollajuolo nous tend le piège d’une figure étrange et séduisante. Dans une salle dorée, non loin d’un tapis persan, qui tient pour l’œil un accord somptueux et magnifique, une jeune femme fait le guet : elle est en relief, de profil, collée à la muraille. C’est presque une jeune fille, mais sans gaieté ; elle ne médite pas : elle laisse le hasard méditer sur elle, et lui abandonne, pour ce qu’il voudra faire, avec ce corps fragile, ce visage pensif et mutin. Je l’appelle Bianca Velena.

Elle est si froide, et pourtant si vive dans son corsage. L’œil un peu étonné, la bouche avide, dans un retrait naïf et triste. Elle est pâle et n’a presque pas de gorge. Son col est trop long : on ne voit que lui, nu, plein de force, et de santé sensuelle. Qu’il est tentant, ce col ! Il tentera le fer peut-être ; il appelle le baiser de la hache.

Nice, mais le feu n’est pas allumé en elle. Celui qui fera roucouler cette colombe, donnera le vol à des ardeurs redoutables. Ce petit nez frémit déjà à la promesse : quelles narines curieuses, et comme elles s’ouvrent à des parfums lointains, peut-être sanglants ! Dans cet œil, trop tranquille pour n’être pas mélancolique, la flamme jettera de durs éclairs. La petite fille a une figure de vierge empoisonneuse.

Un jour, cette petite tête sera tranchée.