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IX
AVANT-PROPOS

Lorsque l’on désire lire un chef-d’œuvre dans la langue où il fut écrit, il est de première nécessité d’apprendre la langue dont s’est servi l’auteur, et de la posséder parfaitement pour saisir avec fruit toutes les nuances du texte. Il en est de la littérature alchimique comme des autres, et sans la parfaite connaissance de la terminologie qui lui est spéciale, on risque d’errer longtemps sinon toujours dans la lecture de Traités hermétiques, même écrits en français. Le mieux, quand on le peut, est de lire dans l’original car là plus qu’ailleurs « Traduttore, traditore », le traducteur est, inconsciemment sans doute, mais presque toujours, un traître.

En effet, un mot oublié, un contre-sens, une interprétation erronée ou fantaisiste peuvent entraîner le fils curieux de Science à des pertes de temps excessives et à des dépenses qu’il eût pu facilement éviter. Nous n’avons plus ici la ressource du dictionnaire, qui, avec du bon sens permet de pénétrer ce qui semble incohérent. En Alchimie, tout semble incohérent au débutant, car il trouve mille mots pour désigner une même matière, et aucun d’eux d’ailleurs ne la désigne clairement. Force lui est de se créer un lexique des symboles selon ce qu’il croit comprendre, et il ne peut le faire qu’en dépouillant de nombreux textes, parmi lesquels il fait de lui-même une discrimination, pour ne conserver que les meilleurs, et travailler suivant le sens qu’il leur donne. Pour bien comprendre les textes il est essentiel de bien s’imprégner des conceptions spéciales aux alchimistes sur la constitution de notre Univers et celle des éléments. J’ajoute qu’il n’est pas superflu d’avoir des connaissances suffisamment étendues en stéganographie, mais les curieux trouveront sans peine le sens caché des textes donnés dans les « Noces Chymiques » en travaillant Paracelse, Henri Corneille-Agrippa et Blaise de Vigenère.

Que l’inquisiteur de science se garde surtout de commencer à travailler sans avoir lu ; c’est un écueil sur lequel j’ai sombré moi-même ; qu’il abandonne délibérément les théories des caco-chymistes modernes quelles que soient les étiquettes dont elles sont parées. Qu’il laisse de côté les produits « chimiquement